#2 — Et si nous étions «pires» que Bouvard et Pécuchet ? Réflexion sur notre rapport à l'apprentissage.
Eux, ils essayaient. Nous scrollons. Et si Bouvard et Pécuchet étaient plus courageux que nous ?
L’effet Minecraft : regarder plutôt que faire
Dans les années 2010, alors que j'enseignais Photoshop et Illustrator à des pros, je voyais mon fils — aujourd'hui âgé de 18 ans — scotché devant des vidéos YouTube sur Minecraft.
Il avait le jeu. Mais il préférait regarder d'autres y jouer.
À l'époque, je trouvais ça curieux, mais je ne m'imaginais pas que ce simple comportement allait devenir un business colossal avec l'avènement de Twitch.
J'ai appris depuis que ce comportement porte un nom : le syndrome du spectateur compétent. À force de contenus immersifs, bien présentés, on finit par croire qu'on sait faire. Alors qu'on a juste bien regardé.
En 2025, ce syndrome contamine tous les domaines.
Aujourd’hui, apprendre n’a jamais été aussi simple
Apprendre, c'était comment avant ?
J’ai démarré mon activité freelance en 2004, à la naissance de ma première fille 👧.
Et pour gagner rapidement ma vie, (après une reconversion de militaire de carrière à webdesigner) était de donner des cours dans des centres de formation professionnelle.
Je me souviens de cette période d’apprentissage qui était découpée de la manière suivante :
Une formation de concepteur-intégrateur multimédia sur plusieurs mois…peu utile.
Des livres achetés à la librairie Le Furet du Nord
Lynda.com, ancêtre des plateformes modernes (rachetée bien plus tard par LinkedIn)
C’était une période très riche en montée en compétences, mais aussi avec beaucoup d’incertitudes car les connaissances acquises en autodidacte, sans mentor, sont comme des pièces de puzzle déconnectées les unes des autres qui au fil du temps trouvent leur place.
La singularité de cette période est que le contenu n’était pas aussi facilement accessible : ça obligeait alors d’être «focus» sur un logiciel par exemple pendant quelques temps.
L’avènement des MOOC
Puis, les MOOC ont déboulé, avec des plateformes comme SkillShare, Tuto.com, Udemy.
Le savoir de qualité en ligne devient payant. (C’était déjà le cas avec Lynda.com d’ailleurs)
Forcément, on y réfléchit à deux fois avant d’ouvrir son porte-monnaie.
Puis on se rend assez vite compte que le taux de complétion de ces cursus est proche de 0, car à moins d’avoir une organisation et une motivation irréprochables, on zappe vite.
Le catalogue illimité de YouTube
Sur YouTube, on peut littéralement tout apprendre. Vraiment tout.
De la poterie, à la rénovation entière du maison en passant par l’impression 3D. Tout y passe.
Et pourtant j’ai le sentiment, qu’on a toujours de plus en plus de difficultés à passer à l’action.
« Et toi, combien de vidéos YouTube as-tu regardées sans jamais ouvrir le logiciel ?»
Bouvard et Pécuchet : les losers qui osaient
Je me souviens très bien ce roman étudié au lycée en classe de première.
Bouvard et Pécuchet, deux types ordinaires, se lancent dans mille apprentissages. Ils se plantent. On se moque.
Ça permet de réfléchir à :
Faut-il être expert, encore aujourd’hui dans un domaine pour devenir un maitre ? Au lieu de tenter plein d’expériences et de se planter.
Que d’oser et de le documenter nous expose publiquement.
Le fait intéressant ici est que ces deux anti-héros incarnaient l’échec avec leurs expérimentations.
Et pourtant Steven Bartlett rapporte dans son livre Journal d’un CEO que Thomas J. Watson, ancien patron d’IBM aimait à dire :
« Pour augmenter votre taux de réussite, doublez votre taux d’échec.»
Peut-être que Bouvard et Pécuchet n’avaient pas les compétences nécessaires pour tirer les enseignements de leurs échecs ?
Peut-être alors que la peur de l’échec fait de nous des avilis consommateurs de contenus ?
Pourquoi on ne ne passe pas à l'action ?
J’ai évoqué ce syndrome du spectateur compétent.
C’est un leurre, et on s’en rend vite compte dès qu’on souhaite pratiquer.
Je l’ai souvent expérimenté :
Je recherche une vidéo YouTube pour faire un compositing vidéo avec After Effects
Cool, je trouve un super tuto de 12 minutes
Je lance le logiciel : ce n’est pas la bonne version, je n’ai pas le plugin présenté. Certaines manipulations vont trop vite.
Verdict : 3 heures plus tard, j'ai fait la moitié du truc.
Est-ce grave ? Non, si je m’en sers.
C’est plus embarrassant si le temps investi ne me permet d’obtenir ce que je veux et que je ne vais pas réemployer cette compétence. Frustration assurée.
Voici ce que j'identifie comme freins majeurs qui met le cerveau en mouvement mais ne favorise pas le passage à l’action :
Beaucoup d’auteurs-entrepreneurs prônent l’importance de l’apprentissage en passant à l’action : je retiens que l’apprentissage est important et j’oublie qu’il ne pourrait être validé par le fait d’agir
La mise-en-bouche : lire, écouter ou visionner des contenus donnent l’illusion de savoir
Cette illusion est renforcée par des contenus de plus en plus attractifs
La prise de conscience, que la pratique peut se révéler fastidieuse
Le perfectionnisme : le résultat ne sera pas à la hauteur de ce que j’imagine
La peur de consacrer du temps en allant dans une mauvaise direction avec un retour sur investissement nul
L’estime de soi : c’est plus facile d’admettre qu’on doit encore apprendre des tas de connaissances plutôt que de ne pas avoir osé faire
Le trop-plein de choix : l’abondance devient paralysante
« Plus on a l’occasion d’apprendre et d’appliquer ce qu’on apprend, plus le taux de rafraîchissement s’accélère. » — Vishen Lakhiani, Le Code d’une Vie Extraordinaire
Le «petit succès» pour déclencher la confiance
Quand je formais sur Illustrator avec Kaligram, j’avais une approche :
Start from Scratch.
Là, où il était confortable de dérouler un contenu de formation, menu par menu, palette après palette je préférais proposer un atelier de 30 minutes avec un mini-livrable à l’effet Waouh pour dire :
« Tu peux déjà faire ça en quelques minutes. Maintenant on va aller plus loin et comprendre pourquoi.»
La confiance ici précède la compétence. C'est ce qui change tout.
Pour oser faire, je me fixe un objectif de 2 semaines
a écrit un excellent article : You can learn anything in 2 weeks où il précise qu’il ne faut pas rougir devant la complexité d’acquérir certaines compétences. Même si des «bullshit rules» vous feront croire le contraire.
Ce qui est important de garder à l’esprit est :
Qu’est ce que je vais réussir à accomplir là, tout prochainement ?
Que les techniques que je vais déployer pour y parvenir vont me permettre d’en acquérir d’autres.
On revient à la métaphore de mes pièces de puzzle, qui petit à petit vont s’assembler à la différence près que Dan Koe insiste sur le fait d’avoir une concentration optimale dédiée à l’apprentissage.
Mon laboratoire d'apprentissage : l'IA chez FWBF
Aujourd'hui, mon terrain de jeu, c'est l'IA. Et notamment son intégration dans mon agence FWBF :
Comment je peux optimiser et valoriser le contenu média de mes clients sur leur site internet et leurs réseaux sociaux ?
La génération de prototypes UX/UI
L’automatisation des reporting analytiques
Les principales difficultés sont :
Créer des process répétables et viables.
Savoir jusqu'où aller avant de déléguer.
La toolbox indispensable pour apprendre
Autant, à l’époque du bouquin et de Lynda.com, les sources d’apprentissage étaient minimes. Un carnet et un stylo, ou des notes sur son ordi (c’est ce qui a peut-être aussi contribué au succès d’Evernote) suffisaient à résumer des connaissances et des retours d’expériences.
Désormais, les sources se sont démultipliées :
YouTube
Kindle
Vidéos Mooc
Contenus social media
Notes manuscrites, Remarkable, iPad
Pour pouvoir s’y retrouver, ça exige alors une véritable discipline pour agréger l’ensemble de ces connaissances, et les restructurer.
C’est l’objectif du second cerveau popularisé par
, ou encoreÀ ce jour, je n’ai pas encore un processus très établi, je teste deux solutions pour le moment :
Fabric : la solution est compléte (version desktop, web et app mobile) et permet d’organiser ses connaissances en dossiers.
Secondbrain qui est peut-être plus graphique et plus immersive avec la possibilité d’importer des contenus de sources très diverses.
Et avant de se plonger dans une telle solution, c’est aussi de planifier, ici toutes les 2 semaines les chapitres à aborder et à pratiquer sur la connaissance visée.
Je n’ai pas de moment dédié à l’apprentissage car pour le moment ma vie n’est pas suffisamment structurée pour que je puisse faire ainsi.
La raison est très simple : les enfants.
Les enfants sont la cause numéro 1 pour vous péter un agenda bien huilé, mais ça c’est un autre sujet.
Qu’est ce qu’on retient de tout ça ?
Apprendre, c’est pratiquer. Qu’on le veuille ou pas, encore en 2025 avec l’explosion de l’IA, nous devons expérimenter pour progresser.
Cette méthode des petits pas, qu’on soupe à tous les livres de développements personnels, n’est pas très novatrice mais elle reste efficace pour progresser à condition de faire de patience et de résilience.
Planifier son apprentissage au même titre qu’on planifie ses séances de sport.
Noter sa progression, en tenant un journal tout comme on tient un journal de bord sur ses workouts de musculation.
Se planter fait partie du jeu : y’a plus qu’a l’accepter.
Ne surtout pas négliger de consulter des experts qui ont l’effet catalyseur-débroussailleur : ils vont nous permettre d’être sur les bons rails et de faire le tri très vite entre des notions importantes et d’autres qui le sont moins.
Et un dernier que je n’ai volontairement pas exposé car à lui tout seul ce concept mériterait qu’on en discute : transmettre.
Quand on transmet un savoir, on le régurgite après l’avoir assimilé et très souvent, avec les interactions des apprenants, de nouvelles connaissances surgissent.« Si vous souhaitez apprendre quelque chose, lisez sur le sujet. Si vous souhaitez comprendre quelque chose, écrivez sur le sujet. Si vous souhaitez maîtriser un sujet, enseignez-le. » — Yogi Bhajan
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À très vite 👋🏻


